
L’Âme des Toiles
Une Vudeta de Rome de Simon Nattiez

Dans le cinquième épisode de la série L’Âme des Toiles, Nicolas Sainte Fare Garnot s’arrête sur une veduta représentant Rome. Derrière cette composition intrigante, mêlant monuments réels et recomposés, se cache un peintre français longtemps tombé dans l’oubli : Claude Nattiez
Chaque tableau est une énigme. Celui-ci en est l’illustration parfaite. À première vue, le spectateur reconnaît l’arc de Constantin, monument antique emblématique de Rome. Mais en observant de plus près, quelque chose cloche. Les palais représentés de part et d’autre ne se trouvent pas réellement dans ce voisinage. Quant aux statues des Dioscures, elles ont été installées par Michel-Ange devant le palais sénatorial et ne devraient pas figurer à cet endroit. Le peintre a donc recomposé la ville en assemblant des éléments authentiques, mais déplacés, créant une vue imaginaire.
Une veduta française à Rome
Cette toile appartient à un genre en vogue au XVIIe siècle : la veduta, ou « vue », très prisée notamment à Venise. Il s’agit moins de reproduire fidèlement une topographie que d’offrir une évocation pittoresque d’un lieu, susceptible de séduire voyageurs et collectionneurs. À travers ce tableau, Rome devient un décor recomposé, où se mêlent Antiquité, Renaissance et invention.
Pendant longtemps, cette œuvre n’avait pas de paternité assurée. Elle fut achetée avec une attribution incertaine, jusqu’à ce qu’un historien de l’art, M. Boyer, remarque sa parenté avec un autre tableau signé. Le nom de l’artiste a alors ressurgi : Claude Nattiez, peintre français installé à Rome, qui consacra sa carrière à peindre ce type de vedute. Tombé dans l’oubli, il fut ainsi redécouvert grâce à ce rapprochement.
Ce cas rappelle que l’histoire de l’art n’est jamais figée. Des noms peuvent disparaître puis ressurgir, des carrières entières être réhabilitées par une attribution. Comme le souligne Nicolas Sainte Fare Garnot, ces découvertes sont encore possibles aujourd’hui, dans les foires, chez les antiquaires ou au détour d’une collection privée. Chaque tableau peut receler un fragment de mémoire à restituer.
En présentant cette veduta romaine, L’Âme des Toiles rappelle que la peinture du XVIIe siècle ne se réduit pas aux grandes scènes religieuses ou aux portraits. Elle se décline aussi en genres plus légers, liés au voyage, au goût du décor et à la curiosité pour l’Italie. Avec Agnese, c’est une page méconnue de la peinture française qui reprend vie, à travers un tableau qui conjugue mémoire, imagination et redécouverte.
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A propos de Nicolas SAINTE FARE GARNOT
Nicolas Sainte Fare Garnot est historien de l’art, spécialiste de la peinture française des XVIIᵉ et XVIIIᵉ siècles. Ancien directeur du Musée Jacquemart-André à Paris (1993–2015), il a consacré de nombreux travaux à l’histoire des collections et à la redécouverte d’artistes oubliés. Conférencier et auteur, il s’attache à rendre accessible au plus grand nombre les clés de lecture des œuvres. Avec L’Âme des Toiles, il met son érudition et son talent de conteur au service des collections du Château de Bournazel, offrant un regard vivant et sensible sur des chefs-d’œuvre rarement montrés au public.