En 1988, Jean Cazelles propose de créer un festival de photo à Rodez. Ambition énorme, idée jetée comme on lance une bouteille à la mer. Et qui vogue encore.

Cazelles

A l’initiative de Pierre Tomasi, adjoint à la culture, et Yves Deniau, conservateur du musée Denys-Puech, une table ronde a réuni en janvier 1988 une vingtaine d’acteurs de la culture de Rodez afin de rapprocher ces artistes des structures publiques et privées et écouter leurs suggestions. Jean Cazelles, amateur de photographie en noir et blanc, qui animait l’atelier de photo du lycée technique où il enseignait, proposa alors de monter de toute pièce un festival inspiré des rencontres d’Arles, festival de référence à une époque qui en comptait peu en province. « Comme à Arles, dit Jean Cazelles dont l’oeil brille toujours en noir et blanc au souvenir de cet épisode, l’idée était de faire côtoyer le travail des amateurs et des professionnels. » Cette dualité était logique. « Un amateur devait alors posséder des connaissances en optique et en chimie apprises dans les MJC et les clubs photos qui étaient nombreux. Il fallait maîtriser la profondeur de champ, le calcul du nombre guide du flash, les caractéristiques des différentes pellicules, la fabrication et l’utilisation des chimies au laboratoire, les techniques de masquage etc. On avait déjà une approche professionnelle de la photo.» La différence se faisait ensuite, dans l’utilisation des images… et l’affirmation du talent.

« J’étais un peu inconscient »

« Notre ambition était de présenter au cours d’un festival les œuvres des Aveyronnais à côté de celles des porte-drapeaux de la photographie d’art. Mais imaginer que ces grands noms allaient venir passer quelques jours à Rodez, ou qu’ils allaient nous prêter leurs travaux, j’avoue que c’était un peu inconscient de ma part. » Grâce à cette proximité entre amateurs et professionnelles, Jean Cazelle, qui fréquentait les Rencontres d’Arles depuis leur création en 1970, disposait des contacts de quelques uns des plus grands noms de la photographie, le Toulousain Jean Dieuzaide, entre autres, Lucien Clergue et surtout Josef Koudelka. Exilé en France après avoir photographié le printemps de Prague, il va lui faciliter les relations avec les autres membres de l’agence Magnum à laquelle il appartient et faire connaître le projet auprès de ses confrères. L’association Phofolies 12 est créé en juin 1988, le premier festival a lieu la même année. Raymond Depardon en personne vient présenter son travail dans les locaux de l’ancienne caserne Burloup en compagnie de deux régionaux de l’étape qui feront parler d’eux quelques années plus tard : Marie Pérennou et Claude Nuridsany.

LA DIMENSION NATIONALE

Les années suivantes ce sera au tour de Lucien Clergue, Marc Heller, Jean-Lou Sieff… de prendre la route du piton. Jean Dieuzaide s’enthousiasme, écrit sur ce festival né de la volonté d’une poignée d’Aveyronnais. Cela remonte jusqu’au ministre de la Culture, Jack Lang, qui cherche à créer une « Fête de la photo » nationale comme il l’avait fait de la fête de la musique. En 1992 se produit alors une étonnante récupération du nom « Photofolie » (sans S) pour désigner plusieurs festivals du même type dans plusieurs ville françaises. « Nous avons découvert l’information dans un journal dit Jean Cazelles… J’ai fait valoir avec la Ville que Photofolies nous appartenait, notre requête a été entendue par le Centre national de la Photographie. En guise de dédommagement le CNAP nous a offert, chaque année, une exposition de grande valeur, livrée toute encadrée, qui a fait beaucoup pour la réputation du festival. D’une certaine façon, c’était aussi la reconnaissance que la province pouvait avoir des idées…»

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Première édition de PHOTOfolies aux Casernes Burloup
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Les grands noms de l’art photographique font découvrir leur travail argentique en noir et blanc, signature de Photofolies : Sebastio Salgado, Josef Koudelka, Don McCullin, Denis Roche, le studio Harcourt… «Nous avons partagé des milliers de photos et d’anecdotes, dit Jean Cazelles. Pour la 7eme édition j’ai compté 700 photos… J’y ai vu un signe.»

En 2015, Sylvain Lagarde à succédé à Jean Cazelles à la présidence de l’association. Ce dernier continue de regarder pousser ce rejeton condamné à plusieurs reprises d’un oeil paternel et étonné. « Franchement, si on m’avait dit que l’on atteindrait le cap des 30 ans je ne l’aurais pas cru. On a pensé que le numérique allait tuer l’argentique – et Photofolies avec – il n’en est rien. L’argentique garde ses adeptes, ça ne signifie pas que le numérique est meilleur ou moins bon, c’est seulement une autre façon de s’exprimer… Mais on apprend encore beaucoup de la photo argentique. La photographie est plus que jamais plurielle, il faut s’en réjouir… Prendre des photos c’est bien ; le grand plaisir c’est quand même de les donner à voir. »


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