On a pu découvrir un ensemble de trois œuvres de Nicolas Sanhes dans le jardin du musée Soulages, lors de l’exposition Picasso, à l’été 2016. Et admirer. Admirer l’étonnante souplesse et les transparences de ces conceptions mentales en acier qui pèsent des tonnes de légèreté et nous projettent dans l’espace trigonométrique d’un artiste humble, fier de son travail et attachant.

Expo Rodez
Une des oeuvres exposée dans le jardin public de Rodez

Vous êtes Ruthénois, votre atelier est en Région parisienne, auriez vous eu la même carrière si vous étiez resté ici ?

Sur un plan pratique, la vie en Aveyron est plus facile. Je viens de créer mon nouveau lieu de travail ; un espace de 500 m2 dévolu à la création pour réaliser des oeuvres plus importantes. Ce projet aurait été différent en Aveyron, l’investissement est plus lourd, mais l’enjeu du Grand Paris et de la communauté artistique parisienne, mérite la prise de risque. Paris reste une place où l’art fait partie de l’histoire. Dans quelques années, peut-être, je reviendrai en Aveyron où je garde beaucoup d’attaches.

Comment peut-on définir le travail de création ?

C’est un travail où il faut faire don de soi, ne pas compter les heures. Il n’y a pas de recette. Il faut accepter l’incertitude, c’est dans la répétition du geste manuel que l’esprit se forme. C’est un processus lent, les concepts ne viennent pas simplement. Je mène une recherche et une réflexion sur un processus, où la structure, la forme, la ligne sont sans cesse mis en question. Tout cela est lié à la vie… En 1997 j’ai été atteint d’un cancer. La révélation de la maladie et la prise de conscience de ma fin m’ont fait toucher une autre temporalité. Etre à la limite change tout. Avant la maladie, je voulais être… Après, je suis, je suis sans concession. La création s’inscrit dans le temps, et c’est le temps qui fait qu’il y a création. Le plus dur est de tenir bon…

Portrait de Nicolas Sanhes

En quoi êtes-vous un élève de Soulages comme vous aimez à le dire ?

Pas un élève au sens propre. Je me reconnais en lui car il fait partie de ces artistes qui tout au long de leurs années de travail ont développé une oeuvre, sans savoir où elle conduit. C’est l’art qui entraine dans un espace inconnu, c’est la magie de l’incertain, il faut résister pour ne pas perdre le fil de son histoire ou de la vie…

L’ensemble des oeuvres peuvent paraitre semblables les unes aux autres ; en réalité il y a de grandes différences. Chaque sculpture que je produis est un défi par rapport à la précédente, je cherche à repousser les limites de leur propre matérialité par des assemblages plus improbables. Celle de Rodez sera simple dans sa forme mais très complexe à réaliser, le travail d’ingénierie est essentiel dans la sculpture monumentale. 

Prenez-vous en compte les caractéristiques du lieu d’implantation de la sculpture ?

Oui et non. Je ne tiens pas compte de l’histoire du lieu mais de l’espace du lieu. Ma sculpture ne raconte pas d’histoire ; je m’efface face à elle. Je vis dans le réel, dans l’espace qui m’est donné, dans ce que je perçois et ce que je ressens. Je tiens uniquement compte de ces impressions, de l’espace qui m’est donné a vivre. 

La pièce pour Rodez mesurera quatre ou cinq mètres de haut et autant de long parce que le lieu le veut ainsi. La sculpture transforme l’espace. C’est cela que la Ville de Rodez a compris. La sculpture a la force de transcender les lieux et valoriser l’espace urbain. 

Comment se fait-il que votre travail, objet de nombreuses commandes publiques et privées, est identifiable au premier coup d’oeil ?

Disons que j’ai un secret de fabrication que je suis seul à détenir… Aucun logiciel informatique ne peut produire une de mes sculptures. Le système de mise en place des poutrelles que j’ai mis au point est à la fois simple et très complexe. Ça tombe au millimètre près. Pour réaliser une de mes oeuvres il faut tenir compte de la densité de l’acier et l’immatérialité de l’espace… C’est ce jeu subtil que la réalité de la matière, la part sensible de l’homme que le logiciel ne fournit pas. Il m’arrive de passer plusieurs jours à déplacer les lignes d’acier dans l’atelier pour trouver la forme juste entre la densité de l’acier et le vide de l’air. On ne perçoit pas cela derrière un écran.

Je peux utiliser l’ordinateur pour numériser mes pièces afin de les reproduire en plus grand encore (10-15 mètres), je sais le faire grâce à un partenariat avec le groupe d’ingénierie SYSTRA qui réalise dans le monde entier des ouvrages d’art et non des oeuvres d’art. 

Je préfère les structures fermées aux structures ouvertes, parec qu’elle sont plus compliquées et plus techniques à réaliser. Comme un corps humain…. Il faut avant tout réaliser la colonne vertébrale de la sculpture, puis placer les bras qui enlacent l’espace. Mon écriture est aujourd’hui identifiée  par ses lignes carrées blanches réalisées avec quinze éléments, en HEA *. J’utilise la force de la poutrelle pour augmenter la résistance de la ligne. C’est ma signature, ce qui retient l’oeil du collectionneur.

Vous venez de perdre vos oeuvres de jeunesse dans un incendie… 

C’était tout ce qui m’a construit pour arriver là où j’en suis aujourd’hui. Au delà des souvenirs de jeunesse qu’elle représentaient, c’est l’idée de la confrontation avec les oeuvres actuelles qui n’aura pas lieu. L’expo dont je rêvais est partie en fumée, c’est dur. C’est la période de Rodez qui s’efface, mais demain sera autre.

Présentation de l’installation de la sculpture monumental de Nicolas Sanhes à Combarel – Rodez.

L’artiste ruthénois Nicolas SANHES
livre une sculpture contemporaine au sein de l’ilot Combarel à Rodez.

La ville de Rodez voit sa richesse artistique urbaine croître. La sculpture monumentale de Nicolas Sanhes, l’artiste ruthénois, trône depuis le samedi 22 juin 2019 dans le jardin des Capucins de l’îlot Combarel. Un atterrissage tout en légèreté pour cette œuvre aérienne tridimensionnelle, commandé par la collectivité. 

« Cette sculpture s’harmonise bien cet espace de style contemporain », se félicite Nicolas Sanhes, soucieux d’accorder visuellement son œuvre avec le site dans lequel il s’inscrit.  Plus encore, ce natif de l’Aveyron est fier de « contribuer à la transformation et l’attractivité artistique du territoire ».  En prolongement des musées et œuvres existants.  

Son concept, « Géométrie incidente », est le fruit de plusieurs années de recherche. Il revisite la ligne en la déployant dans l’espace, en défiant la géométrie classique.  « J’espère amener les passants à s’interroger, à porter un regard sur l’œuvre mais également eux-mêmes » conclu-t-il.  Ces 5 tonnes de lignes d’acier immaculées en suspension ne laisseront personne indifférent !

 Plus d’informations :
 www.nicolassanhes.fr

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