Nous sommes en terres najacoises, mais les habitants de Sourbins qualifient l’endroit de « commune libre ». Il y pousse des yourtes, d’anciennes porcheries y ont été réaménagées en habitations, on y prête une vie culturelle… Parmi l’enchevêtrement de petites routes qui y serpentent, un chemin cabossé s’échappe au pied de la maison du maire de Najac pour s’enfoncer parmis les champs et les bois. Au bout, nous arrivons au Pontal, une propriété perdue rachetée quelques années plus tôt à des Anglais par le cinéaste Jean-Henri Meunier, avec quelques amis. Plutôt que Paris ou Toulouse, ce sont les terres najacoises qui lui parlent plus, et qu’il raconte le plus. Parmi les près de 25 films qu’il a tournés en tout autant d’années, depuis 1975 et « L’adieu nu », avec Maria Casarès et feu Michael Lonsdale, les Aveyronnais se souviennent de la fameuse Trilogie najacoise, dont le troisième volet fut même présenté à Cannes. Mais plus encore que les strass et les paillettes du 7e art, « JH » Meunier préfère la simple malice et l’humanité de ses acteurs locaux.
Et c’est au fond des bois que son cinéma s’égrène, aujourd’hui plus que jamais en maquisard. Il s’y voit contraint aussi par un état de santé capricieux. « En 2016, dit-il, ma vie a basculé dans un accident de mobylette. » Plusieurs côtes fracturées plus la clavicule, mais surtout, les médecins lui font savoir environ un an plus tard que son coeur ne fonctionne désormais qu’à 30 % de ses capacités.
Mais pour autant, Meunier ne va pas dormir dans son maquis. Et les films s’enchaînent. Avec « Sad hill » sorti en 2017, un hommage au film « Le bon, la brute et le truand » tourné en 2015 en Espagne sur les lieux du tournage de ce western-monument. Suivra « LSD » (pour « Lente séparation douloureuse ») l’année suivante, puis « Tous ensemble » en 2019, et cette année « La tête cachetonnée », sorti « en avant-première mondiale et planétaire » le 15 juillet dernier au camping des Etoiles voisin, en attendant « Nif Naf », tourné qu’avec des actrices.
Les héros de ses films ? Ce sont des connaissances qui sont venus le voir en lui disant « tu ne veux pas tourner un film sur moi ? » Pour « LSD », c’est Jean-Do Bernard, un ami biographe de Neil Young, pour « Tous ensemble », c’est un garçon trisomique qui lui demande : « Je voudrais entrer dans la peau d’un acteur. Comment je fais ? ». Et pour « La tête cachetonnée », c’est Charlie, un autre jeune qui a « pété les plombs suite à une histoire d’amour » et qui a suivi diverses cures médicamenteuses qui l’ont laissé exangue, Ou presque. « Tout est lié chez moi, la vie et les films », dit Jean-Henri.
Quant au Pontal c’est devenu le studio d’Hollywood de JH : les acteurs et actrices viennent y tourner, ainsi que les musiciens, comme R-Wan ou encore Lionel Suarez, qui a signé la musique de « La tête cachetonnée ». Et le tout, pour un budget qui ne dépasse pas les 1500 euros, est bluffant. Parce que ce qu’aime par dessus tout JH, c’est le montage. « Je peux passer 15 heures par jour à monter, je suis fan. Mais la promo, ça me fatigue. Je n’ai plus beaucoup de temps à vivre, je préfère faire ce que j’aime. Si mes films doivent vivre, ils vivront. »
Aussi, il propose ses films en lecture gratuite sur Viméo. Chaque jour, 30 à 40 personnes visionnent ses films. Pendant le confinement, c’était dix fois plus. « Et c’est vu dans 150 pays, même le Vatican ! »
Allo Saint-Pierre ? Ici Najac : depuis son maquis du Pontal, pour Jean-Henri Meunier, c’est la vie comme elle va, comme il en a toujours été pour lui, toujours en images, toujours en histoires, et où le réel garde sa part de rêve et de poésie.
Laurent ROUSTAN
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