
Texte : Jean-Paul Desprat
Illustrations: Yannick Trinquier
L’art du vin – la greffe, la taille, la savante élaboration -, mais aussi l’art de boire – celui qui consiste à éduquer l’oeil, le nez, la bouche -, nous viennent tout droit des Gaulois. Ils savaient y faire ces Gaulois puisqu’ils ont inventé le tonneau, même si ce n’était pas exactement chez nous, mais plutôt chez les Allobroges, à l’est de Lyon. Point n’est besoin, donc, de longues études archéologique ou génétiques pour répéter que ces Gaulois sont vraiment nos ancêtres ; la filiation est directe, les Français se piquent toujours d’être les meilleurs viticulteurs et buveurs de la terre.
De Cahors à Gaillac, de Marcillac à Béziers, de Pont-Saint-Esprit à Villeneuve-lès-Avignon, le vin a pris peu à peu ses différents caractères et ses différents goûts dans le cadre des grandes villas gallo-romaines qui, dans la Narbonnaise et alentour, vivaient en complète autarcie, plantant leurs vignes et fabriquant leurs amphores.
Très vite ce noble breuvage a commencé à voyager, empruntant la via Domitia construite 115 ans avant Jésus Christ, ce qui veut dire que lorsque Jules César s’est mis en tête de franchir le Rubicon les vins de Béziers étaient déjà connus à Rome. Au nord les vins du Midi étaient expédiés jusqu’en Auvergne et il en restait quelque chose encore en 1960, lorsque j’entendais ma grand-mère rouergate dire qu’il n’était rien de tel que le rouge de Vérargues pour bien réussir son vin de noix.
Le chemin de fer, sous Napoléon III, a permis aux vins du Midi d’aller plus loin encore et de lancer une production de masse, juste avant que n’apparaisse le phylloxéra dont la première manifestation est signalée dans le Gard. La récente trop grande spécialisation viticole, la maladie de la vigne à laquelle il n¹était point d¹autre remède que la greffe de plants américains,, l’importation massive de vins algériens, provoquent l’explosion de 19O7, véritable insurrection et tragédie d’une violence telle qu’on ne peut plus aujourd’hui s’en faire une idée exacte.
On ignore souvent que celui qu’on devait appeler le » premier vigneron du monde « , le baron Pierre Le Roy de Boisaumarié, celui-la même qui à partir du domaine viticole de sa femme – le domaine Fortia, â Châteauneuf-du-Pape -, tournant définitivement la page de la tragédie du phylloxéra, devait inspirer toute la législation viticole moderne – appellation contrôlée et INAO ( Institut National du vin ) -, a pris conscience des problèmes viticoles non pas dans les anciens Etats Pontificaux mais, dans sa jeunesse, dans l’Hérault.
Le père du baron avait quitté sa Normandie natale et l’armée, refusant de continuer à servir la République au moment des lois sur les congrégations. Il était parti gérer le domaine viticole de Vendargues, dans l¹Hérault, qui appartenait à sa famille. En 1907, au moment des émeutes du Midi, le jeune Pierre, qui n’avait que dix-sept ans, avait pris part au mouvement : apportant un bidon d’essence, il était allé lui-même incendier les portes du palais de justice de Montpellier, si absorbé par sa tâche qu’il n’avait pas entendu les sommations des officiers et qu’il avait du s’enfuir sous la mitraille. Devenu avocat, après avoir été l’un des héros de l’aviation dans la guerre de 14-18 – sept avions ennemis cloués au sol, lui-même » descendu » deux fois -, il devait entre 1923 et 1967, date de sa mort, accompagner la modernisation de la législation viticole sur cette idée forte que » la qualité est le propre du génie français ».
De nos jours la mondialisation, la commission de Bruxelles, la baisse de la consommation, conduisent les viticulteurs du Midi à se poser les mêmes questions que Pierre Le Roy de Boiseaumarié en 1923 : faut-il créer une grande appellation régionale fixant des règles strictes dans l’esprit de ce qui a été fait pour le Châteauneuf puis pour les Côtes du Rhône ? Ou bien faut-il avoir une politique de cépages à l’américaine ou à l’australienne, travailler des » sauvignons de l’Hérault « , des « merlots du Gard » ?
Nous sommes à la croisée des chemins, à la veille de profondes mutations, mais, au fait, qu’en penseraient les Gaulois qui, les premiers, ont eu l’idée d’enfouir des ceps dans les profondeurs de nos terres rocailleuses ?
Pierre Gabriel Vincent Ernest Le Roy de Boiseaumarié, dit le baron Le Roy, né le à Gray dans la Haute-Saône et mort le à Châteauneuf-du-Pape, est un vigneron français.
Pilote de chasse durant la Première Guerre mondiale, Le Roy de Boiseaumarié est à l’origine du renouveau des appellations vitivinicoles en France. Il est le cofondateur de l’Institut national des appellations d’origine, dont il occupe la présidence pendant vingt ans, et de l’Académie du vin de France. Il préside aussi aux destinées de l’Office international de la vigne et du vin et est membre correspondant puis titulaire de l’Académie de philatélie.
En 1919, il épouse Edmée Bernard Le Saint, héritière du Château Fortia – prestigieux domaine de Châteauneuf-du-Pape – qu’il a rencontrée lors de ses études de droit à Montpellier.
Depuis la fin du xixe siècle, la facilité des transports avait permis des fraudes sur l’origine des vins. Jean-Robert Pitte rappelle dans son ouvrage Le désir du vin. À la conquête du monde que le négoce bordelais et bourguignon n’hésitait pas à venir s’approvisionner à Tain-l’Hermitage et à Châteauneuf-du-Pape. Les vins de ces deux communes leur servaient à donner du corps et de la couleur à quelques petits millésimes. Un Bourguignon, croyant faire plaisir à la propriétaire du château Fortia, future belle-mère du baron, l’aurait complimenté en ces termes « Vous êtes devenus à Châteauneuf notre succursale » ; il se vit répliquer « Vous vous trompez, Monsieur, nous sommes votre maison-mère. »
Son amitié avec Joseph Capus, ancien ministre de l’Agriculture de 1923 à 1925, lui permet de fonder avec lui l’INAO en 1933, dont il devient le président de 1947 à 1967. Son action pour la défense des vins de qualité lui vaut d’être fait officier de la Légion d’Honneur et de devenir président de l’Office international de la vigne et du vin. Il est également membre du Conseil d’administration de la Coopérative du Syndicat Agricole Vauclusien (groupement d’agrofourniture, future Coopérative Agricole Provence-Languedoc).
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