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L’Âme des Toiles

La Charité romaine : un récit antique entre vertu et clair-obscur

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Dans le sixième épisode de la série L’Âme des Toiles, Nicolas Sainte Fare Garnot présente un tableau surprenant de la collection du Château de Bournazel. Cette scène de charité romaine, d’origine antique, mêle spiritualité, sensualité et mystère autour d’une attribution encore débattue.

Le spectateur découvre une image inattendue : une jeune femme entrouvre son corsage et offre son sein à un vieillard. De prime abord, la scène peut sembler provocante. Mais il s’agit d’un récit antique bien connu, celui de la « charité romaine ». Condamné à mourir de faim dans sa prison, un vieillard est secrètement nourri par sa fille qui, autorisée à lui rendre visite, lui donne le sein pour le maintenir en vie. Après six mois, son étonnante survie est interprétée comme un miracle et conduit à sa libération. Ce thème, à la fois édifiant et troublant, a inspiré de nombreux artistes, séduits par le contraste entre l’austérité du sujet et l’audace de sa représentation.

Un chef-d’œuvre aux attributions discutées

Dans le tableau de Bournazel, la scène est traitée dans un clair-obscur d’inspiration caravagesque : les personnages surgissent de la pénombre, sculptés par une lumière dramatique. Mais au-delà de cette influence, les draperies et reflets témoignent d’une délicatesse proche de l’école vénitienne. Cette double filiation intrigue.

Le visage de la jeune femme est identifié : il s’agit de Virginia da Vezzo, épouse du peintre français Simon Vouet, actif à Rome dans les années 1620. L’artiste a souvent utilisé les traits de sa femme comme modèle. Le tableau, lorsqu’il fut acquis par le Château de Bournazel, fut d’ailleurs attribué à Virginia da Vezzo, car une version plus grande et circulaire de la composition est conservée au musée Bonnat-Helleu de Bayonne et reconnue comme une œuvre de Vouet. De cette version dérivent plusieurs répliques et copies, dont celle de Bournazel.

L’attribution reste néanmoins discutée : certains y voient la main de l’atelier de Vouet, peut-être celle de Charles Mellin. D’autres n’excluent pas que la toile de Bournazel soit une œuvre de Vouet lui-même, tant sa qualité picturale impressionne. Le traitement subtil des tissus, la maîtrise de la lumière et la force expressive des visages donnent au tableau une intensité qui le place au rang des chefs-d’œuvre de la collection.

En mettant en avant cette Charité romaine, L’Âme des Toiles révèle l’ambiguïté fascinante d’une œuvre à la fois morale et sensuelle, emblématique des dialogues entre l’Antiquité, la tradition chrétienne et la peinture baroque. Au-delà de l’incertitude des attributions, elle témoigne de la richesse d’une époque et du pouvoir des images à traverser les siècles.

Pour voir l'épisode, cliquez sur l'image

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A propos de Nicolas SAINTE FARE GARNOT

Nicolas Sainte Fare Garnot est historien de l’art, spécialiste de la peinture française des XVIIᵉ et XVIIIᵉ siècles. Ancien directeur du Musée Jacquemart-André à Paris (1993–2015), il a consacré de nombreux travaux à l’histoire des collections et à la redécouverte d’artistes oubliés. Conférencier et auteur, il s’attache à rendre accessible au plus grand nombre les clés de lecture des œuvres. Avec L’Âme des Toiles, il met son érudition et son talent de conteur au service des collections du Château de Bournazel, offrant un regard vivant et sensible sur des chefs-d’œuvre rarement montrés au public.

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