En amont des mesures qui pourraient être annoncées bientôt, entretien avec Pierre Kivits, médecin psychiatre à l’hôpital Sainte-Marie d’Olemps.

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Pierre KIVITS, médecin psychiatre à l’hôpital Sainte-Marie d’Olemps.

Quel est votre regard sur la situation en Aveyron ?

D’abord une observation qui se retrouve au niveau national. Nous constatons une hausse d’environ 25 % des consultations de jeunes patients, sans antécédent, cela nous met en alerte. Ces jeunes souffrent d’une détresse psycho-sociale qui peut être à l’origine de troubles anxieux et dépressifs. Les étudiants souffrent d’isolement, sur fond d’absence de perspectives et de perte de sens de l’avenir. Il y a aussi ces jeunes qui vivaient dans des conditions précaires et qui ont perdu leurs jobs, ce qui accentue leur précarité. La dégradation sociale et financière constitue un facteur de risque supplémentaire.

Comment êtes-vous alerté ?

La moitié de ces jeunes viennent d’eux-mêmes ou sont amenés par leur entourage, en raison de troubles du sommeil ou de symptômes anxio-dépressifs, l’autre moitié via leurs médecins traitants. Malgré notre manque récurrent de psychiatres, l’accueil en consultation se fait dans des délais raisonnables, grâce à l’organisation de première ligne dans les CMP (Centres médico-psychologiques répartis sur le territoire) et à l’UADO (Unité d’accueil, de diagnostic et d’orientation de l’hôpital Sainte-Marie). Nous traversons toutefois une difficulté conjoncturelle à Rodez avec la pénurie de médecins généralistes. Nous sommes inquiets car ce sont ces médecins qui sont en première ligne pour prendre en charge la souffrance psychique des patients et nous adresser ceux dont l’état psychique requiert un suivi spécialisé. Parmi ces jeunes que nous voyons en consultation, il y a aussi ceux aussi qui se sont suradaptés, auto-confinés à l’extrême. Et avec le temps, le délitement psychique et relationnel s’accentue, provoquant le basculement anxieux ou dépressif. Notons enfin une grande inégalité pour ceux qui ont peu de soutien social ou familial. Cela vaut pour toutes les catégories de la population : les conditions de solitude et d’isolement rendent les personnes plus vulnérables aux facteurs de stress liés au contexte pandémique.

Quels conseils prodiguez-vous ?

Il faudrait trouver le juste équilibre entre les mesures politiques visant à maîtriser l’épidémie, à protéger la population du risque infectieux, et le maintien de l’activité globale, sociale, éducative et même culturelle. Il faut éviter de fermer les écoles. On a davantage conscience et de connaissance des effets de la pandémie et des actions à mener localement. Tout en respectant les mesures qui s’imposent, on pourrait par exemple organiser des sorties en groupes de quatre à cinq personnes pour une randonnée ou une activité sportive, voire culturelle si possible, dans le cadre scolaire ou universitaire. Il faut mettre en place des mesures proactives et agir en amont, de façon préventive. Cette prévention pourrait se faire par le biais des associations, des écoles, des universités. Il faut aller vers les personnes plus vulnérables et fragilisées par le contexte, aller à leur rencontre, comme cela a été fait par exemple dans certains EHPAD lors du concert pour les fêtes de fin d’année avec Euterpe 12 et le studio La Nauze. Il faut multiplier ces initiatives et développer les cellules d’aides. Les décompensations apparaissent de manière insidieuse, par accumulation de facteurs de stress et de facteurs de risque, dans un contexte d’incertitude persistante concernant l’avenir. Dans ces conditions, les actions de prévention sont essentielles. Nous sommes des êtres de relation et le maintien d’un certain niveau de socialité est fondamental, notamment via l’accès à la culture et à l’éducation.

Quelle est votre position sur la vaccination ?

Je plaide pour le vaccin même si je comprends une certaine défiance. Pour cela, il faut répondre aux questions, aux doutes, délivrer les bonnes informations. Comme dans d’autres domaines, nous devons peut-être sacrifier un peu de notre liberté et accepter un certain degré d’incertitude pour agir efficacement en faveur de la collectivité. En se vaccinant, on se protège soi-même mais aussi les autres. Il faut prendre en compte cette dimension collective.

Encadré sur les solutions personnelles

– Maintenir une activité physique régulière.

– Sortir autant que possible, une petite marche quotidienne c’est déjà bien.

– Garder un bon rythme de veille et de sommeil, ce que favorise entres autres une activité physique régulière.

– Veiller à une alimentation équilibrée.

– En cas de télétravail, se fixer des limites, pour éviter le débordement sur la vie privée et le burn out.

– Maintenir autant que possibles les rencontres, les contacts sociaux car le virtuel ne suffit pas.

– En cas de confinement ou de mesures plus restrictives, investir une activité pour garder le pouvoir d’agir, en se fixant quelques objectifs : écrire, cuisiner, apprendre une langue étrangère, …réfléchir à ce qui peut être fait pour se préparer de façon positive.

Contact : le service d’urgences psychiatriques au centre hospitalier Sainte-Marie est joignable au 05 65 67 53 00. Une cellule d’écoute est joignable au 05 65 77 87 90.

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